Partie 6 La peur
Partie 7

La dépression

L'attente du résultat du compte rendu de l'étude de mon dossier par la clinique a été longue et stressante. D'un autre côté je n'avais pas du tout envie de connaître leur conclusion, de peur d'avoir de nouveau une mauvaise nouvelle à gérer.

Je ne sais toujours pas comment j'ai trouvé le courage d'y aller.

Après quelques semaines de déprime, j'ai commencé à réfléchir à cette histoire d'endométriose près de l'uretère causant des ressentis de colique néphrétique.

Cela me paraissait étrange, donc j'ai ressorti de vieux dossiers médicaux :

En plus des coliques néphrétiques et des douleurs lombaires qui m'empêchaient de marcher, je me suis mise à avoir des douleurs rénales régulières.

Je ne savais plus qui croire ni quoi faire et mon père m'a convaincue que j'avais le droit de prendre un deuxième avis médical, ce que je ne m'étais jamais accordé.

Je commençais à me dire que dans le cas de l'endométriose, une maladie encore peu comprise par la science, un médecin n'avait pas forcément raison mais qu'il était aussi un humain biaisé par ses croyances.

Le bal des médecins a recommencé.

M'aurait-il soigné de la même manière si j'avais dit le fond de ma pensée ?

Quelques semaines plus tard, j'ai enfin pu passer l'uroscanner qui confirmait que mes reins faisaient des calculs et que ces douleurs ne venaient pas de lésions d'endométriose.

Comment tout un comité pouvait-il faire une erreur de jugement pareille ?

Décider d'une opération aussi invalidante causant douleurs, sequelles, adhérences, poche urinaire, septs jours d'hospitalisation et de gros traumatismes sans même l'appui d'un examen ?

Je finissais de plus en plus par me demander combien de patients tous les jours faisaient les frais de ces erreurs de jugements…

L'avis du gynécologue conseillé par mon nouvel urologue, le Docteur Brillant allait dans ce sens :

Encore la même rengaine… S'il était si doué ce Dr.Krotte… pourquoi ça faisait un an que ma vie n'était que douleur ?

Je ressortais de ce rendez-vous avec un nouvel examen à faire qui aurait lieu dans trois mois.

Pendant ces mois d'attentes la vie continuait…

…mais pas la mienne.

Et même quand j'arrivais à sortir… que dire sur ma vie ?

La fatigue m'empêchait de vivre de nouvelles expériences et la peur de la douleur m'obligeait à me terrer chez moi.

Seuls les examens médicaux remplissaient mon emploi du temps :

Avec cette procédure toute simple, elle a transformé ce que je pensais être l'examen le plus dégradant et désagréable en un geste qui respectait mon corps et ma pudeur.

Cette lésion qui était si invisible aux examens pendant des années pouvait alors se détecter juste au toucher ?

Grosse pensée à mon ancienne médecin généraliste :

Je suis partie en Irlande deux mois en attendant ma coloscopie. Matthieu avait dû insister parce que tout m'effrayait.

J'avais deux calculs dans le rein droit donc deux épées de damoclès au-dessus de la tête.

J'avais prévu le coup en emportant un maximum d’antidouleurs plus ou moins forts.

J'ai pu tester mes aptitudes à passer des trucs illégaux à la douane…

Je sentais que j'avais de l'avenir dans la profession…

En Irlande, j'étais enfin avec Matthieu tous les soirs mais lorsqu'il travaillait, les journées devenaient bien longues.

Bizarrement, mon moral a chuté encore plus vite en Irlande.

Avec du recul, le fait de devoir mettre en pause tous mes rendez-vous médicaux et mes soins ne m'a pas aidé à avancer. Cela m'a donné une sensation de stagner encore plus forte qu'avant.

Je compensais l'ennui par la cuisine, parce qu'avec une libido à -1000 à cause de la pilule et des douleurs, de la fatigue, de l'isolement… la seule chose qui m'apportait un bonheur simple c'était les…

Ça tombait bien, mon appétit avait augmenté…

J'avais toujours eu un poids stable donc je faisais confiance à mon corps et aux signaux qu'il m'envoyait.

Cela dit cette faim était de plus en plus étrange… Comme si je n'étais jamais rassasiée.

Je passais de la faim extrême à l'envie de vomir après le repas. Dès que celle-ci disparaissait, la faim revenait.

J'essayais de rester loin de la balance parce que j'avais déjà bien assez de problème dans ma vie… mais il fallait se rendre à l'évidence… je grossisais à vue d'œil.

J'apprenais deux ans et 13 kilos plus tard que ma pilule coupait la sensation de satiété. Aucun des médecins que je n'avais vu n'avait cru bon de me prévenir et la notice ne le stipulait pas.

En Irlande, j'ai commencé à parcourir des blogs de personnes ayant de l'endométriose. Je découvrais une communauté qui s'échangeait énormément leurs vécus et leurs histoires, faute d'avoir une oreille compatissante de la part du corps médical.

Je suis également tombée sur des témoignages très difficiles : des femmes qui avaient été en suivi psychiatrique pendant des années parce que faute de les diagnostiquer, on leur avait dit que c'était dans la tête ; d'autres avec des opérations très lourdes qui s'étaient enchaînées 2, 3, 7, 15 fois.

Il y avait de quoi avoir peur :

Et puis, en cherchant sur Internet des articles sur l'endométriose, un jour je suis tombée sur ça :

Il s'agissait d'une nouvelle procédure clinique qui remplaçait dans certains cas une opération. Pour cela, ils se servaient d'une machine à ultrasons, utilisée pour les cancers de la prostate en temps normal. Ces ultrasons étaient émis pour « désactiver » les lésions d'endométriose présentes près de l’intestin sans avoir besoin d'une opération invasive.

Cela me donnait de l'espoir, car j'espérais que cela calmerait mes maux de dos puisque la seule lésion qui restait après mon opération était entre l'utérus et l'intestin, dans le cul de sac de Douglas.

J'ai tout de suite appelé :

Je pouvais imaginer l'espoir de toutes ces femmes qui appelaient pour avoir un remède à leurs douleurs sans structure pour les accompagner et les guider.

Pourquoi si peu de structures ? Pourquoi personne n'en parle ? Parce que c'est une maladie récente ?

Je vous arrête tout de suite, on pense que cette maladie existe depuis l'Antiquité. Elle aurait été décrite dans le canon d'Hippocrate datant des V et IV siècles avant J.-C.

Et malgré ça, il fallait encore en 2018 entre 5 et 9 ans en moyenne pour avoir un diagnostic d'endométriose. Combien de malades avait-on délaissées pendant des années avec une maladie chronique invalidante ? À combien avait-on dit « il va falloir vous y faire » ? Combien de personnes en détresse, à faire des années de psychothérapie ? À se croire folles ?

Après deux mois à Dublin, je rentrais en France pour enfin faire ma coloscopie. L'examen ne durait qu'une trentaine de minutes, mais la gastro-entérologue préférait que j'ai une légère anesthésie générale car cela pouvait être désagréable. Je passais donc ma matinée à l'hôpital.

L'ambiance douce et respectueuse qui émanait de la gastro-entérologue se faisait sentir sur tout son service.

Bon, la coloscopie est un examen servant à visualiser l'intérieur du côlon, du rectum et d'une partie de l'intestin grêle, donc je ne vais pas vous faire un dessin.

Sauf qu'en fait, ça ne s'est pas si mal passé, j'ai même eu une bonne nouvelle.

Avec cette bonne nouvelle et l'arrivée de l'été, je n'ai pas pu m'empêcher de me dire que le plus difficile était derrière moi que maintenant tout se passerait bien.

À suivre dans la partie 8…

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Qui suis-je ?

Isabelle

Diagnostiquée en 2016 d'une endométriose, j’ai passé les dernières années à me reconstruire après une opération et des effets secondaires dus à la prise d’hormones. Je crée en 2018 mon blog sur l'endométriose avec la parution d’un roman graphique, qui raconte le retard de mon diagnostic et le manque de prise en charge de ma maladie. Après des années d’apprentissage pour mieux vivre avec l’endométriose, j’avais à cœur de mettre à disposition toutes mes connaissances accumulées.

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